Épidémiologie
La pratique quotidienne comme les données statistiques montrent que les tumeurs mammaires sont les cancers les plus fréquents chez la chienne.
Différentes études évaluent la prévalence de cette pathologie entre 25 et 50% selon les études.
Une chienne sur 2 risque de présenter un jour une tumeur mammaire soit une incidence trois fois supérieure à la femme.
L’âge d’apparition moyen des lésions est de 6 à 10 ans. Les femelles de 10 ans seraient les plus atteintes (16%). Les chiennes entre 9 et 12 ans représenteraient plus de 45 % des animaux malades.
1% de ces tumeurs intéressent le mâle.
Une femelle non stérilisée a quatre fois plus de risque de développer ce type de pathologie.
De quelconques prédispositions raciales sont difficiles à établir (prévalence des races différentes selon les pays, plus grande médicalisation des petites races,…). Les caniches, les teckels, les cockers, et berger allemand sont cependant cités dans de nombreuses études.
Le rôle des hormones stéroïdes par stimulation de la croissance de l’épithélium mammaire dans les toutes premières années de vie semble avoir un rôle certain.
Très schématiquement, plus le nombre de cellules « cancérisables » sera élevé, plus le risque de développer la maladie sera grand. Le facteur de prévention le plus important est la précocité de la stérilisation. Plus elle est effectuée tôt, plus le bénéfice sera important.
Néanmoins, l’impact de l’âge de la castration sur l’incidence des tumeurs mammaires (tableau ci-dessous) reste à confirmer. Une méta-analyse conclue que ces affirmations restent encore à démontrer par des études présentant moins de biais de méthodologie.
La plupart des études indiquent qu’une tumeur sur deux est maligne.
La majorité des tumeurs sont de nature épithéliales, suivi des tumeurs mixtes.
Les tumeurs les plus fréquemment diagnostiquées sont l’adénome tubulaire, l’adénome papillaire, le carcinome tubulaire, le carcinome papillaire, le carcinome solide, le carcinome complexe et le carcinosarcome.
Les mamelles les plus atteintes seraient les inguinales (1/3 des cas) puis les abdominales (1/4) et le plus souvent à gauche (60%).
Remarque : la stérilisation précoce a un rôle protecteur dans le développement de tumeurs mammaires dans la majorité des races, et augmente la durée de vie chez la plupart des chiennes. Néanmoins, quelques races (Rottweiler, etc.) semblent avoir une durée de vie réduite par la stérilisation (particulièrement chez les jeunes adultes) – voir les conclusions la recommandation de stériliser la chienne (conclusion du lien)
Etio-pathogénie
De nombreuses inconnues persistent à ce jour. Œstrogènes, progestérone et prolactine sont sans doute les facteurs. Les hormones hypophysaires seraient également impliquées de même que certains carcinogènes. Nous retiendrons le schéma suivant proposé par le Pr Verstegen.
Il apparait aussi que des expositions répétées et prolongées aux différentes hormones sexuelles (naturelles ou de synthèse) seraient des facteurs favorisants à la différenciation de tumeur. Leur rôle ne serait qu’un rôle de promoteur et elles ne participeraient pas à la croissance tumorale comme tente à le prouver la « disparition progressive » des récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone et à la prolactine au fur et à mesure des modifications du tissu mammaire.
La pseudo gestation serait responsable de l’accumulation de produits cancérigènes d’origine alimentaire et l’hypoxie consécutive à la distension des acini entraînerait la formation de radicaux libres carcinogènes. Le contact répété de ces produits toxiques avec l’épithélium mammaire pourrait induire la formation de lésions prénéoplasiques ou potentialiser des lésions déjà existantes.
Les chaleurs irrégulières les kystes ovariens folliculaires les corps jaunes persistants sont également incriminées comme facteurs favorisant l’apparition de tumeurs mammaires.
Le nombre de portées et la taille des portées semblent n’avoir aucun effet favorisant. Mais ceci reste à confirmer.
D’autres facteurs ont été proposés pour expliquer ces pathologies. Ainsi, il apparait que les chiennes maigres à la puberté présenteraient moins de risque de développer une néoplasie mammaire que celles d’embonpoint normal. Les chiennes obèses verraient quant à elle ce risque augmenté. Les animaux nourris avec une alimentation ménagère surtout si celle-ci est riche en bœuf ou en porc seraient plus sujet aux tumeurs mammaires. Le soja ou les crucifères par leur teneur en phytoestrogènes doivent être incorporé avec modération. Néanmoins ces derniers facteurs énumérés ne sont à ce jour pas du tout démontrés !
Signes cliniques
Le plus souvent la détection de tumeurs a lieu lors d’un examen de routine tel que la vaccination par simple palpation.
Les motifs de consultation pour masse mammaire correspondent le plus souvent à des masses déjà d’une taille significative (pois chiche) voir extrême.
Les signes sont parfois indirects selon la répercussion des métastates : boiterie (métastases osseuses ou syndrome de Cadiot Ball), PUPD (hypercalcémie maligne), difficultés respiratoires, dermatite du ventre (carcinose cutanée), etc.
Conduite à tenir
- Anamnèse
- Date d’apparition de la tumeur
- Rapidité d’évolution
- Historique de l’appareil reproducteur (stérilisation, contraception, pseudogestation, tumeur antérieure, …
- Apparition d’autres symptômes (toux, difficultés locomotrices,…)
- Appréciation de la tumeur
- Recherche de toutes les lésions
- Examen méticuleux des deux chaînes
- Appréciation de la forme
- Recherche d’adhérences
- Bilan d’extension
- Examen des nœuds lymphatiques.
Attention la taille n’est pas forcément proportionnelle à la malignité.
Les nœuds lymphatiques iliaques/lombo-aortiques et sternal devraient aussi être évalués en fonction de la localisation de(s) tumeur(s) - Recherche de métastases cutanées (carcinose cutanée)
- Radiographies pulmonaires (profils droit et gauche) : très faible sensibilité diagnostique !
Seuil de détection de 8 mm
Sensibilité < 30% - Le scanner sont des examens de choix pour effectuer un bilan d’extension chez les carnivores domestiques (seuil de détection < 2 mm).
Le coût et la disponibilité limitent leur usage en pratique. - D’autres examens peuvent être recommandés selon le statut clinique : syndrom de Cadiot-Ball et radiographie des membres, carcinome et troubles de la coagulation (risque de C.I.V.D.), etc.
- Examen des nœuds lymphatiques.
Remarque : il convient de garder à l’esprit qu’entre réaliser un bilan d’extension très complet et couteux (en l’absence de NL palpables et de métastases radiographiques), il est parfois judicieux de traiter la chienne pour son confort.
- Pronostic clinique : classification T.N.M. et Notion de stade clinique – détail : cliquez ici
Le stade clinique renseigne sur la progression de la maladie mais sans tenir compte de la nature histologique de la tumeur. Il définit un stade gradué de I à IV ou V selon les auteurs, du plus favorable au plus pessimiste. Il s’appuie sur un système TNM qui évalue- T : la Tumeur en fonction de sa taille et ses adhérences entre la peau et/ou les muscles
- N : les « Nœuds » lymphatiques image de l’envahissement régional
- M : les Métastases
- Cytoponction et biopsie
La réalisation de ponction à l’aiguille fine de la masse ne saurait être un moyen de diagnostic sûr (représentativité de l’échantillon, coexistence de plusieurs types histologiques dans une même tumeur, risque de dissémination vasculaire ou lymphatique,…). Il en est de même pour les nœuds lymphatiques.
Une seule exception : celle des carcinomes inflammatoires ou l’explosion des symptômes est à elle seule souvent pathognomonique.
L’histologie après exérèse de la masse, et des ganglions drainants éventuels, est nécessaire à un pronostic plus précis : taux de récidive local, taux de survie, etc.
Pronostic
Clinique et bilan d’extension
Le pronostic pré-opératoire repose dans une première étape sur des données cliniques et le bilan d’extension :
- Vitesse de croissance : lente-rapide
- Mode de croissance : expansif-infiltrant
- Taille de la tumeur
- < 5cm pronostic favorable
- >10cm pronostic défavorable
- Bilan d’extension
- Ganglions loco-régionaux : hypertrophiés ou non, Infiltrés ou non
- Métastables décelables ou non
Ce premier pronostic très approximatif va être complété par l’évaluation histologique et immuno-histochimique de la pièce d’exérèse et de ses marges.
Bilan de la classification clinique TNM :
- Stade 1 : 30% récidive locale à 2 ans / Seuil des 3 cm important
- Stade 2 et 3 : 80% récidive locale à 2 ans
- Stade 3 : 80% des cas une tumeur mammaire maligne
- Stade 4 : 21% survie à 1 an ; 0% survie à 2 ans.
- Stade 5 : 0% survie à 1 an
Grading et Scoring
L’histopathologie est considérée comme la méthode diagnostique de référence pour les tumeurs mammaires canines.
Différents grades et stades sont ensuite proposés permettant au vétérinaire de formuler des pronostics de taux moyen de survie (TMS), de risque de récidive local et de métastases à distance.
Voir détail du pronostic des tumeurs mammaires chez la chienne.
Traitements
Traitement chirurgical
C’est le seul traitement envisageable.
Il a pour premier objectif de retirer l’ensemble du matériel tumoral et de limiter au mieux le risque d’exérèse incomplète ou de récidive locale ou à distance.
Le choix de la méthode d’intervention chirurgicale (nodule, masse, mamelle, demi-chaine, chaine mammaire, ganglions drainants) dépend de nombreux facteurs :
- Pronostic selon la classification pré-opératoire ou le grading et scoring si il s’agit d’une récidive
- l’état de santé général de la chienne
- le propriétaire
- Acceptation d’une intervention éventuellement importante
- Volonté et Capacité financières
La plus grande majorité des études s’accorde sur le fait que la réalisation d’une stérilisation chez la chienne souffrant de tumeur mammaire ne présente en général aucun intérêt.
Seuls les chiennes atteints de tumeurs Estrogen Receptor positives de grade 2 ou de concentration sérique E2 péri-chirurgicale accrue représentent un sous-ensemble de chiennes atteints de carcinomes mammaires susceptibles de bénéficier d’une stérilisation. Kristiansen,Vet Intern Med 2016;30:230–241
Le traitement chirurgical pourra être complété d’une chimiothérapie et dans de rares cas d’une radiothérapie dans des centres spécialisés.
Détails chirurgicaux – Accès vétérinaire
Chimiothérapie :
L’objectif est d’augmenter le taux de survie : prévention du risque métastasique (tumeur à fort potentiel de dissémination) ou ralentissement de la dissémination (tumeurs en voie de généralisation).
Il faut savoir que la plupart des chimiothérapies dans cette indication sont très bien tolérées par la majorité des chiennes. Les traitements anti-hormonaux et anti-inflammatoire sont parmi les agents de la chimiothérapie.
- Indications :
- Présence d’infiltration ganglionnaire ou d’emboles lymphatiques
- Adénocarcinome de grade II avec embole (Scarff et Bloom)
- Adénocarcinome canalaire de grade II même sans traces d’emboles (fort potentiel métastasique)
- Tumeurs épithéliales ou mésenchymateuses de haut grade
- Adénocarcinome de grade III (Scarff et Bloom) ? Ne semble pas augmenter le taux de survie.
- Techniques : Détails chimiothérapies – Accès vétérinaire
Radiothérapie :
- Indications : la radiothérapie est exceptionnellement préconisée quand :
- lésion de grandes tailles dont l’exérèse complète est impossible
- diminuer le risque de récidive locale en post-op.
- En association avec la chimiothérapie lors de tumeurs conjonctives ou myoépithéliales de mauvais pronostic
- Pour connaitre les modalités détaillées et les coûts rapprochez vous de centre spécialisés.
Notamment en France : Oncovet (proximité de Lille), Micen Vet (proximité de Paris)